Monsieur Trappier,

Nous sommes réunis aujourd’hui pour évoquer la situation géopolitique internationale, complètement bouleversée par le conflit russo-ukrainien.

Cette guerre aux portes de l’Europe inquiète au plus haut point les peuples du continent. Elle entraine des crises à la fois sur les matières premières et l’énergie dont l’amplitude et la durée sont incertaines mais plus encore elle plonge une nation toute entière dans les affres de la guerre, avec son cortège de destructions, de déplacés, de morts civils et militaires.

Malgré cette crise terrible, il est impossible pour la CGT d’être présents ici devant vous sans vous évoquer le conflit social que traverse notre entreprise. Là-bas comme ici, c’est le manque d’écoute et de dialogue qui génèrent ces situations.

Cette réunion n’est ni le lieu ni le bon moment pour parler de la négociation qui se tiendra demain. Mais c’est par contre le lieu et le moment pour évoquer les principes que nous pourrions partager pour éviter que pareille situation ne survienne à nouveau.

Nous vous avons écouté et vous êtes, vous et d’autres membres de la direction générale, à l’origine d’une partie des propositions qui vont suivre.

En préambule, pour la CGT ce conflit repose avant tout sur l’accumulation de mauvaises décisions, imposées tout au long de la décennie précédente.

Les racines en sont simples :

  • Les résultats des NAO successives avec des AG systématiquement en deçà du coût réel de la vie,
  • Le traitement salarial différencié entre cadres et compagnons, générateur de mécontentement,
  • Les enveloppes destinées aux AI chaque année trop faibles, espacent toujours plus chaque promotion, avec un sentiment justifié de stagnation particulièrement exacerbé pour les plus petits coefficients, et ce quels que soient leurs efforts et leur investissement dans l’entreprise,

Le problème est tout à la fois simple et terriblement ancré dans la politique salariale qui a cours dans notre entreprise.

Vous avez évoqué la possibilité de NAO annuelles où l’augmentation générale des prix constatée sur l’année serait la base de l’AG… à condition de s’entendre sur l’indice de référence, la CGT est d’accord avec ce principe.

Pour les augmentations individuelles, l’enveloppe destinée à ce poste ne devrait jamais être inférieure à 1%, ce qui correspond à une moyenne de 3% par AI tous les 3 ans. Sur ce pourcentage vous garderiez la main pour récompenser ceux que vous voulez par exemple à 2,5 ans sans que jamais pour les autres l’attente ne dépasse 3,5 ans.

Le pourcentage alloué aux AI Cadres ne devrait pas être supérieur au pourcentage AG+AI+AN des autres salariés.

Ces principes d’équité érigés en valeur dans notre société seront à même de restaurer et de maintenir un climat social de qualité.

Nous sommes bien conscients aussi que notre carnet de commandes militaire croissant va nous imposer de passer rapidement à la cadence 3 puis probablement à la cadence 4.

Notre structure industrielle rabotée par le Lean va être à la peine pour répondre à ce défi. Au moment où tous les cadres sont en voie d’imposer le télétravail comme un incontournable dans une société moderne, passer à la semaine de 4 jours chez les salariés et techniciens peut être l’équivalent.

Ce mode de travail que nous pouvons vous aider à mettre en place, ne ferme pas les usines le jeudi soir mais, accepté par tous, permet au contraire peut-être de les ouvrir avec une amplitude hebdomadaire plus importante.

Cela nécessite pour être réussi un long travail en amont que nous devrions commencer sans tarder. Ce mode de travail, en plus de faciliter les embauches et d’optimiser votre outil industriel, réduit en outre de 20% les émissions carbone liées aux déplacements de chacun de vos salariés.

Les déplacements domicile/travail sont en passe de devenir un obstacle au travail en équipe : en effet, à 2,20€ le litre de gasoil un aller-retour quotidien de plus de 60km efface le gain de la prime d’équipe. Depuis trop longtemps (20 ans) ces primes n’ont pas été revalorisées, demain au moment où vous en aurez le plus besoin, vous ne pourrez plus compter sur eux.

J’ai dans ma main le magazine Air et cosmos de la semaine du 22 février. Un article présente plusieurs campagnes d’essais menées par des pays souhaitant renouveler leur flotte d’avions militaires. La conclusion de cet article est que le Rafale dessiné il y a un demi-siècle par des ingénieurs inspirés, utilisant de simples rossignols, est aujourd’hui le meilleur avion du monde.

Ce mélange de souhaits, de revendications et aussi d’espoirs n’a qu’un but :

Vous avez la chance M. Trappier de vendre cet avion et nous de le construire, vous avez le meilleur avion du monde, il ne tient qu’à vous de vous réconcilier avec le  personnel qui le fabrique.

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